Figures emblématiques de la terreur et de la vie nocturne, les yakuzas sont les dangereux membres de la mafia japonaise.
Le mot Yakuza est né il y a plus de 400 ans sous le shogunat Tokugawa. "Ya" signfie huit," ku" veut dire neuf et "za" est l'équivalent de 3. Quel est le rapport entre cette suite de chiffres et le crime organisé ? Eh bien il faut savoir que le terme yakuza provient d'un jeu de cartes japonais très célèbre à cette époque. La combinaison ya-ku-za était en réalité une main perdante. C'est pourquoi ce mot désigne par extension les exclus de la société.
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Origines et histoire des yakuzas
L'origine des yakuzas débute à l'Ere Edo. Selon une première théorie, les yakuzas seraient les héritiers des bakuto et des tekiya. Les premiers régissaient les jeux d’argent et animaient les foires et les seconds étaient des marchands de pacotille ambulants. Ces deux familles réunissaient tous les rebuts de la société. De leurs ancêtres, les membres de la mafia japonaise ont conservé certains rituels comme la pratique du tatouage et du doigt coupé.
Une autre hypothèse soutenue par le syndicat du crime veut que les yakuzas soient les nobles descendants des machi yakko (serviteurs des villes). Vers 1603, de nombreux samouraïs sans maître ou ronins devinrent des bandits. Ils étaient appelés kabuki mono, ce qui signifie "les fous" en raison de leur violence gratuite envers les habitants et de leur style extravagant. Les machi-yakko étaient les opposants des kabuki mono. Ainsi, pour redorer leur blason, les yakuzas aiment se prétendre enfants des machi-yakko, fervents défenseurs des plus faibles. Pourtant, selon les érudits, les yakuzas seraient plutôt des descendants des kabuki mono.
Organisation des clans et rituels
La mafia japonaise ressemble à la mafia sicilienne dans son organisation. Il s’agit d’une grande famille composée de clans et contrôlée par une hiérarchie à la fois pyramidale et patriarcale avec des liens de filiation. Le grand chef appelé oya, est le père protecteur de toute la famille. Les nouveaux membres représentant les « enfants ».
© Jiangang (Getty Images)
Héritiers du bushido, ou code de conduite des samouraïs, les yakuzas ont conservé certains rituels comme le tatouage traditionnel nommé Irezumi. Le seppuku ou hara-kiri, couramment pratiqué autrefois chez les samouraïs s’étend également aux yakuzas en cas de faute très grave. Aussi, la pratique du yubitsume qui consiste à se couper le petit doigt en cas de manquement à son devoir n’est pas rare ce qui explique pourquoi beaucoup de yakuzas n’ont plus tous leurs doigts. A l’origine, cette automutilation rendait le port de l’épée plus difficile et affaiblissait le yakuza.
Les nouveaux membres yakuzas participent à une cérémonie d’intégration nommée Sakazuki. Lors de ce rituel, les participants sont vêtus d’un kimono. L’Oya et le nouveau yakuza échangent une coupe de saké. Objet qui deviendra symbolique du lien familial. Aussi, lorsqu’un yakuza rend sa coupe de saké, cela signifie qu’il s’exclut définitivement du clan.
Le tatouage chez le yakuza
Les motifs très colorés recouvrent une partie importante du corps, généralement le dos, les fesses, les cuisses, le torse, les bras. Toutefois, certaines parties sont laissées nues, car l’Irezumi doit pouvoir être entièrement dissimulé par les vêtements. Ainsi, le visage, les mains, les pieds et une ligne verticale au milieu du torse restent libres.
A l’origine, le tatouage chez les yakuzas était un rite d’initiation pour les nouveaux membres qui prouvaient, par le biais de ce rituel, leur courage et leur loyauté. A l’instar des nobles qui portaient des armoiries, les yakuzas se tatouaient en signe d’appartenance à un clan. Les motifs représentaient les forces du yakuza telles que la détermination (carpe Koï), le courage (tigre), la puissance (le dragon) ou encore le symbole d’une vie éphémère (fleur de cerisier).
Les activités de la mafia japonaise
L’intimidation et le chantage sont des moyens de pression couramment utilisés par les yakuzas pour parvenir à leurs fins.
Le racket et la spéculation financière
Saviez-vous qu’une des activités favorites du yakuza était le racket ? En effet, les membres de la mafia japonaise s’en prennent particulièrement aux grandes entreprises. Ils réclament des impôts mensuels d’origine féodale appelés dîmes, en échange de leur protection. Certains vont même jusqu’à prendre des actions pour exercer leur influence au conseil d’administration. La part des sociétés japonaises touchées par ce racket est phénoménale puisqu’on estime qu’environ la moitié en sont victimes.
Les membres de la mafia sont également présents dans la spéculation immobilière et boursière. Ce n’est pas pour rien qu’on les soupçonne d’être responsables de la crise économique de 1990.
© Lorenzo Moscia
Le trafic de drogue et d'armes
Le trafic de drogue est sans aucun doute l’activité la plus lucrative des yakuzas. Même si la loi est très stricte en matière de stupéfiant au pays du soleil levant, les réseaux demeurent extrêmement puissants.
Le trafic d’armes est également une activité fréquente chez les yakuzas. Les membres s’approvisionnent dans les pays voisins pour revendre les armes beaucoup plus cher au Japon.
Les jeux d’argents
Les jeux d’argent sont l’apanage des yakuzas au Japon depuis plusieurs siècles. Cela remonte à leurs ancêtres (les bakutos) qui brillaient déjà dans ce domaine. Le Pachinko, un genre de flipper croisé avec une machine à sous est un jeu particulièrement populaire au Japon. Si bien qu’il représente la 3eme ressource nationale des loisirs après la restauration et le tourisme.
La prostitution
Les yakuzas contrôlent aussi une partie de l’immigration clandestine en alimentant les réseaux de prostitution et en mettant à profit la main d’œuvre des travailleurs illégaux. Par ailleurs, ils sont très impliqués dans l’industrie du sexe.
La politique
L’influence du syndicat du crime est telle que la mafia s’est emparée des pouvoirs politiques depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Les yakuzas dans la fiction
Personnage à la fois redoutable et puissant, le yakuza est largement représenté dans le cinéma japonais. Les films de mafia japonaise sont même devenus un genre à part entière, le « yakuza eiga ». De même, les jeux vidéo et les mangas n’ont pas attendu pour s’imprégner de l’univers sombre du crime organisé.
La mafia japonaise est sans aucun doute la plus grande organisation criminelle du monde. Aussi dangereuse que rusée, elle terrorise les japonais depuis des siècles. Pour autant, les yakuzas tendent à disparaître puisqu’on estime aujourd’hui leur nombre à 50 000 alors qu’ils étaient 180 000 dans les années 1960.
Image de couverture : Kenichi Shinoda, chef du plus grand gang yakuza, le Yamaguchi-gumi, à Tokyo, le 9 avril 2011. JIJI PRESS/AFP