Parmi les arts nippons les plus sensationnels, le théâtre traditionnel japonais figure sur le devant de la scène.
Le théâtre japonais est une forme de spectacle dansé et chanté, issue des rituels religieux, des traditions locales, et du divertissement populaire. Cet art scénique, reconnu patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO se compose de plusieurs genres. Le Kabuki, ou forme populaire, le Nô ou théâtre dramatique, le Kyogen dans sa version comique et le Bunraku ou spectacle de marionnettes.
Faisons le point sur ce divertissement traditionnel d’exception au Pays du Soleil Levant.
🎭 Le Kabuki, théâtre japonais populaire
Apparu au début du 17e siècle, le Kabuki est le théâtre traditionnel populaire. Cette forme de représentation épique est très appréciée au Japon depuis l’époque Edo et rassemble une large audience.
Nishizaki Sakurako et Bando Kotji dans la pièce de Kabuki “Yoshino Mountain”
Les origines de Kabuki
Les idéogrammes « ka » 歌, « bu » 舞 et « ki 伎 » signifient respectivement « chant », « danse » et « adresse technique ». L’essence même du Kabuki vient de l’esprit avant-gardiste qui caractérisait cette forme artistique à l’époque. Autrefois, les acteurs Kabuki étaient considérés comme des originaux, des fous qui s’habillaient étrangement (kabuki- mono).
C’est en 1603 que la célèbre danseuse Okuni réalisa la première représentation de Kabuki à Kyoto… divertissement qui devient vite populaire. Toutefois, les pièces étaient souvent jouées par des prostituées et le Kabuki fut rapidement associé à la débauche. Face à cette démesure, le shogunat de Tokugawa interdit la présence d’artistes féminines sur scène en 1629. Depuis, le métier d’acteur Kabuki se réserve exclusivement aux hommes.
Théâtre privilégié des guerriers, daimyos et de la bourgeoisie marchande à l’époque Edo, le Kabuki se distingue par les costumes, le maquillage et le jeu des acteurs complètement extravagants ainsi que par sa mise en scène spectaculaire.
On y retrouve de la danse, de la comédie, de la romance et de la tragédie bercées sur une ambiance sonore particulière. Le shamisen, instrument traditionnel japonais à trois cordes, exprime les émotions des acteurs et renforce leurs prestations artistiques. Aussi, la scène est équipée de nombreux dispositifs permettant des effets visuels remarquables (plateau tournant central, machineries et passerelle traversant le public).
Le Kabuki des temps modernes
Aujourd’hui, cette forme théâtrale garde ses codes tout en se renouvelant. En effet, parmi les acteurs, peuvent figurer des icônes de la pop culture afin de toucher les jeunes générations.
🙏 Le Nô, théâtre japonais dramatique
Le Nô est la forme dramatique du théâtre traditionnel, composée de chants lyriques, de danses et de mimes. Théâtre réservé à l’élite japonaise depuis l’ère des shoguns, le No est un art unique à la fois poétique et spirituel.
Représentation de la pièce de théâtre Nô "Aoi no Ue" ou "Dame Aoi".
Les origines du théâtre Nô
Né au 14e siècle à l’époque de Muromachi, le Nôgaku est la forme de théâtre la plus ancienne, à l’origine du Nô (drame lyrique) et du Kyogen (comédie). Apparu avant les œuvres de Shakespeare, ce divertissement est hérité du Sangaku, un genre de cirque populaire datant du 8e siècle.
Le Nô puise ses racines des cultes religieux et des danses rituelles pratiqués autrefois pour apaiser les kamis et bénir les récoltes des paysans (Kagura). Plus tard, le Sangaku apportera une dimension plus spectaculaire en intégrant des numéros de magie, des acrobaties et un aspect comique. Petit à petit, la recherche de l’esthétique surplombe le caractère sacré, offrant de véritables performances artistiques. Par ailleurs, « Nô » signifie « pouvoir » et prend le sens de « talent » pour saluer le travail des artistes.
A la période Muromachi, le Nô adopte de nouveaux codes venant réglementer les costumes, les masques, les chants et l’orchestre. Si l’esprit du Sangaku est conservé, le Nô s’adresse désormais à l’aristocratie guerrière.
Les acteurs Nô
Les acteurs pratiquent le Nô de génération en génération. Ce sont toujours des hommes. Le shite est l’acteur principal et demeure le fil conducteur de l’intrigue. Habillé d’un élégant kimono, il effectue la danse lente nommée Kuse. Le waki est le personnage secondaire qui aide le spectateur à comprendre le contexte de l’histoire. Contrairement au shite, il ne porte jamais de masque.
Les acteurs interprètent différents personnages tels que des hommes, des femmes, des vieillards, des âmes ou encore des kamis, grâce à de nombreux masques No, appelés Nômen. L’acteur principal incarne le plus souvent un fantôme. A noter qu’à l’époque, l’espérance de vie était bien plus courte qu’aujourd’hui et la mort très présente dans les esprits.
Les masques Nômen
Datant de la Préhistoire (période Jomon), les masques japonais sont utilisés depuis des siècles et demeurent très populaires lors des fêtes shinto. Les masques du théâtre Nô sont imprégnés de cette culture ancestrale. Fabriqués de manière artisanale, les Nômen sont sculptés sur une pièce en bois avant d’être peints. Ils mettent en scène des personnages regroupés en plusieurs catégories : des hommes, des femmes, des personnes âgées ou encore des démons. Ainsi, les acteurs peuvent incarner n’importe quel protagoniste.
Exemples de masques nômen en bois.
Le théâtre Nô aujourd‘hui
Depuis sa création, le Nô est resté intact et représente la culture traditionnelle locale à travers la littérature classique, les légendes japonaises ainsi que les masques, costumes et kimonos. Par son aspect lyrique, les étrangers le qualifient d’Opéra japonais.
🤣 Le Kyogen, théâtre japonais comique
Le théâtre Kyogen est la branche comique du Nô. Venu de Chine au 8e siècle sous le nom de Sarugaku littéralement « théâtre du singe », cet art satirique s’est développé au Japon en intégrant les croyances culturelles de l’époque médiévale. Ainsi, on y jouait régulièrement des démons et des kamis. Par ailleurs, le langage utilisé dans les dialogues est issu de la période Muromachi.
Ce n’est qu’au 14e siècle que le théâtre Kyogen s’est codifié en adoptant les caractéristiques qu’on lui connaît aujourd’hui : costumes médiévaux, masques typiques, et gestuelle stylisée, sous l’influence du célèbre dramaturge japonais Zeami.
Troupe de théâtre Kyogen, Shigeyama Sengoro.
Le Kyogen se distingue des autres formes théâtrales par ses pièces courtes et rythmées qui s’inspirent des défauts de l’Homme pour provoquer le rire des spectateurs. Son nom composé des idéogrammes « kyo » et 狂 « gen » 言, signifie « folles paroles ». A l’instar de Shakespeare et Molière, les thèmes des pièces tournent autour des tracas quotidiens ou encore de la place de l’Homme dans l’univers.
Les farces du Théâtre Nô
Léger et comique, le kyogen est parfaitement complémentaire au théâtre Nô, sérieux et dramatique. D’ailleurs, les scènes du Nô sont souvent entrecoupées de Kyogen à l’intermède, afin de relâcher un peu la tension. La scène dure environ 20 minutes et sert à détendre les spectateurs.
Les pièces qui viennent s’intercaler entre deux actes sont appelées hon-kyōgen et celles qui entrecoupent deux scènes de Nô sont nommées ai-kyogen. Elles apportent des précisions quant à la représentation et laissent aux acteurs le temps de changer de costume.
👏 Le Bunraku, théâtre japonais de marionnettes
A mi-chemin entre le Nô et Kabuki, le Bunraku est une forme de théâtre traditionnel japonais du répertoire dramatique qui allie marionnettes, récits chantés et accompagnement instrumental.
Représentation de théâtre Bunraku au National Bunraku Theatre, à Osaka, Kyoto.
Origine du Bunraku
Le Bunraku a été créé à l’époque Edo au 17e siècle en associant le style narratif musical « jōruri » au théâtre de marionnettes. Cette forme de spectacle unique au monde s’est développé au 18e siècle en adoptant son jeu de marionnettes caractéristique avant de prendre le nom de Ningyo Johruri Bunraku au 19e siècle. Les thèmes sont inspirés des drames de l’époque médiévale et des représentations contemporaines évoquant la dualité entre l’amour et le devoir social.
L’art du Bunraku
Les marionnettes du Bunraku sont soigneusement fabriquées par des maîtres-artisans. Chacune possède son expression de visage et se trouve habillée d’un costume traditionnel.
Les poupées sont articulées par trois marionnettistes vêtus de noir, qui n’apparaissent qu’à partir de la taille. Elles s’animent sous le jeu des artistes parfaitement coordonnés pour obtenir une gestuelle fluide. Le premier articule le visage, le corps et le bras droit de la poupée. Généralement, c’est l’artiste le plus expérimenté qui occupe ce rôle. Le second fait bouger le bras gauche de la marionnette tandis que le troisième commande les jambes. Les récits sont chantés par un narrateur accompagné d’un joueur de shamisen. Aussi, le conteur module sa voix et ses intonations en fonction du personnage qu’il incarne.
🤩 Le théâtre japonais de nos jours
Aujourd’hui, le théâtre japonais demeure une figure emblématique de la culture traditionnelle nippone. A la fois poétique et esthétique, la performance scénique des acteurs est absolument remarquable. Vous l’aurez compris, cet art théâtral très typique est un spectacle incontournable si vous allez au Japon !